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Le projet SEAMLESS (System for Environmental and Agricultural Modelling – Linking European Science and Society) a pour but d’élaborer un système d’aide à la décision qui fait le lien entre science et société pour évaluer ex-ante les impacts de différentes alternatives de politiques agricoles et environnementales sur l’agriculture et le développement des pays de l’Union européenne.
Le projet SEAMLESS a été commandité par la Commission des communautés européennes (DG Recherche) dans le cadre du 6em PCRD. Les outils élaborés dans le cadre de ce projet (SEAMLESS-IF) sont principalement destinés à aider les directions générales de la Commission européenne (DG Recherche, Agriculture, Environnement, Politique Régionale, Relations Extérieures, Marchés), lesquelles participent à leur conception.
Le projet SEAMLESS mobilise plusieurs cadres théoriques, parmi lesquels on peut citer : l’évaluation intégrée, l’analyse de système, la modélisation participative et l’économie institutionnelle.
Méthode
L’évaluation intégrée (Integrated Assessment) considère les différentes composantes d’un système comme indissociables et combine les connaissances provenant de diverses disciplines scientifiques pour mieux comprendre les phénomènes étudiés (Rothman and Robinson, 1997 ; Toth and Hizsnyik, 1998; Harris, 2002).
L’analyse de système considère qu’aussi complexe que fut un phénomène, il est toujours possible d’en identifier les composantes et de décrire (modéliser) l’organisation de ses composantes au travers d’entités indépendantes du phénomène étudié et de son contexte spatial ou temporel (Leffelaar, 1999).
La modélisation participative considère la construction de modèles non comme une activité purement scientifique mais comme une démarche permettant de combiner les connaissances des scientifiques et les attentes des parties prenantes du problème (Parker et al., 2002). Les dialogues entre parties prenantes du problème peuvent être vues comme des outils permettant aux différentes parties d’identifier leurs points de convergence et de divergence (“Vehicle for learning”, Fisher and Uri 1981), de construire uns position consensuelle sur le problème (“Bargaining mechanism”, Palerm 2000) et de créer de nouvelles formes d’organisation (Grey 1989).
L’économie institutionnelle considère toute nouvelle politique comme une source potentielle de nouvelles règles socio-économiques dont il importe de mesurer la compatibilité avec les institutions existantes, et suggère dans ce but des indicateurs spécifiques qui sont liés aux différents niveaux d’analyse définis par Oliver Williamson (2000: 597).
Discussion
Le concept de scénarii ou alternatives politiques -- que dans la théorie on désigne sous le nom d’action, est central dans le projet SEAMLESS, car les politiques constituent « a priori » des solutions du problème -- durabilité du développement des pays de l’UE. Cependant, nous pouvons légitimement nous interroger sur le rôle structurant de ces « actions » dans une situation de concertation. Certains arguments militent en faveur d’une conception structurante de telles action dans un processus de concertation : les travaux réalisés montrent que les critères d’évaluation des actions sont fortement contingents du type des actions qui sont questionnées et qu’à une multiplicité d’acteurs correspond une multiplicité de représentations du problème. (cf. ” PD2.6.1. A report on the needs of stakeholders with respect to assessment of indicators”). Mais la construction d’une liste d’actions alternatives implique une « vision a priori » du problème (cf. ”PD 1.3.1. Report of attributes of the systems for which indicators and thresholds values are developed”), alors même que le processus d’aide à la décision a pour but de contribuer à la formulation et à la compréhension du problème. Pour cette raison, les actions alternatives sont le plus souvent définies par des experts sous forme d’options basiques ou actions fragmentaires (”D6.2.3.2 Development of Scenarios for Test case1”).
En revanche, les critères sur lesquels les acteurs s’appuient pour prendre leur décision, jouent un rôle structurant essentiel. Par critères, nous entendons ici indicateurs d’impact des politiques en question et plus largement : « Outils construits pour évaluer et comparer des actions potentielles selon un point de vue bien défini » (Roy, 1996 1). Dans une perspective de concertation, l’identification des critères peut être considérée comme une finalité. Elle contribue ainsi à la compréhension du problème et surtout la construction d’un langage et d’une représentation commune du problème au travers d’une famille de critères acceptée par tous (cf. “M2.6.1. Define areas and dimensions of sustainability for which multiple indicators are relevant/necessary”. De la sorte, construire des critères peut parfois plus contribuer à la construction d’un langage commun qu’à l’évaluation et à la comparaison même des actions (e.g. politiques hypothétiques). En effet, réfléchir et échanger sur les critères amène à une réflexion commune et partagée sur ce qu’il est important qu’une « bonne décision » prenne en compte. Par ailleurs, construire collectivement une famille de critère, c’est faire l’échange et la mise dans un pot commun de ce qui doit fonder la décision pour chacune des parties prenantes. C’est donc bien à plus de concertation que conduit l’activité de construction de critères. Simplification de phénomènes complexes, les indicateurs sont au centre des relations entre les scientifiques et les gestionnaires (Bouni, 1998 2). Les travaux réalisés dans le cadre du WP6 le montrent bien (cf. ”D6.2.3.2. Development of Scenarios for Test case 1”; ”D6.5.4.1. Report on conceptual evaluation of the first prototype of SEAMLESS-IF and its tools and suggestions for improvement in baseline to the scenarios to be addressed in Test Case 1” ; ”D6.5.4.1. Addendum. Proposals from WP6 for revision of SEAMLESS-IF interfaces in prototype 2”).
1 Roy, B., Mousseau V.,(1996). A theoretical framework for analysing the notion of relative importance of criteria, Journal of Multi-Criteria Decision Analysis 5, 145-159.
2 Bouni, CH., 1998, L’enjeu des indicateurs de développement durable. Mobiliser des besoins pour concrétiser des principes. Éditions Elsevier, Revue Nature, sciences, sociétés, Volume 6, N°3, Paris,